Isoète à spores épineuses
L’Isoète à spores épineuses est pour le botaniste ce qu’est le monstre du Loch Ness pour un Écossais : une créature mystérieuse passant son temps sous des eaux claires et limpides et n’apparaissant qu’aux yeux d’observateurs curieux et attentifs… Le mystère est d’abord d’ordre taxonomique : sous des airs de petites touffes de feuilles raides, droites et fragiles, lui donnant l’aspect d’un petit jonc, cette plante produit des spores et s’avère génétiquement plus proches des sélaginelles et des lycopodes que des fougères à grandes frondes… C’est pourquoi, avec 14 autres espèces, elle est classée parmi les Lycopodiopsides et représente la famille des Isoétacées. Pour la distinguer d’autres plantes telles que de jeunes pousses de littorelle ou de joncs, les botanistes observent la section transversales des feuilles, appelées lycophylles qui, fait notable pour les spécialistes, comportent quatre canaux aérifères. Mais seul un examen des spores au microscope permet d’identifier l’espèce avec certitude : situées à la base renflée des feuilles, elles sont entièrement couvertes de petites épines serrées.
Second mystère, on ne croyait l’espèce présente que dans les eaux stagnantes oligomésotrophes des étangs à fonds sablonneux, dans des eaux froides et pauvres en matière organique. De fait, en France, l’Isoète à spores épineuses ne se retrouve plus que dans le Massif central (Auvergne, Aubrac et Limousin), les Pyrénées et les Vosges, dans les secteurs encore préservés de toute pollution. Ce constat n’a pas découragé des botanistes du Limousin qui l’ont retrouvée en Creuse et en Corrèze dans des ruisseaux aux eaux exceptionnellement pures. Cette découverte au sein d’eaux courantes oligotrophes et acides s’avère exceptionnelle tant par l’originalité du milieu colonisé que par l’abondance des populations.
Mais comme le monstre du Loch Ness, l’espèce est sensible aux perturbations humaines. Car, malgré s’être réfugiée dans des régions encore préservées du Massif central, cette plante est en forte régression : elle a disparu de nombreux lacs d’altitude d’Auvergne et de plusieurs étangs du Limousin en raison de la modification du régime hydraulique de certaines eaux, à la dégradation de la qualité de l’eau, du substrat et de la turbidité. C’est pourquoi, cette délicate plante aquatique est protégée au niveau national et fait l’objet d’une attention particulière du CBN Massif central.