Après avoir dispensé ses dernières années de nombreuses journées de présentation et d'échange autour de la marque Végétal local dans le Massif central, le CBN Massif central s'attache aujourd'hui à développer des outils, des ressources à destination des professionnels désireux de s'impliquer, mais aussi à partager des pratiques techniques.
Depuis le début du mois, le CBN Massif central a ainsi consacré plusieurs pages Végétal local sur son site internet dédié aux projets structurants : on y retrouve, outre des informations générales sur la marque, une cartographie interactive permettant de connaître les entreprises proposant des végétaux locaux, des outils dédiées aux récolteurs ou aux producteurs, des retours d'expériences sur des chantiers vitrines. Ces pages s'étofferont progressivement, au fil des projets à venir.
Les 3 et 4 mars derniers, le CBN Massif central a également proposé deux journées techniques consécutives aux producteurs locaux grâce au soutien financier de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Lors de la première journée, les producteurs de végétaux locaux (herbacés) du Massif central se sont réunis à la pépinière Brin d’herbe à Cunlhat, située sur le territoire du Parc Naturel Régional du Livradois-Forez dans le Puy-de-Dôme, pour échanger sur les techniques de production de plantes d’herbacées vivaces en godets. La pépinière Brin d’Herbe propose une gamme variée de plantes vivaces ornementales, aromatiques, médicinales, potagères, arbustives et vise à valoriser les végétaux locaux et sauvages. Récemment labellisée Végétal local - Massif central, cette pépinière cultivait déjà des végétaux sauvages et locaux depuis 2016. Elle a notamment contribué au projet d’aménagement paysager de Saint Georges d’Aurac où une grande partie des plants installés sont d’origine sauvage et locale.
A la pépinière, beaucoup de discussions très techniques ont permis à chacun de partager leurs expériences et problématiques. Voir compte-rendu ci-après.
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Pour le contexte : la pépinière Brin d’herbe emploie deux personnes à temps plein : Malika et Céline. La pépinière a une capacité de stockage de 12 000 plants (pour des pots de 0.5 L en plus grande partie). Elle possède une réserve d’eau de 30m3 alimentée par un puit grâce à une pompe, les besoins en eau sont de 1 m3 par jour pendant la saison estivale. Concernant les semis, elles observent un avantage aux semis en plaque alvéolée lorsque les taux de germination sont bons, tandis que les semis en terrine semblent intéressants lorsque les germinations sont moins bonnes. Cet avis est globalement partagé par le reste du groupe. En ce qui concerne le substrat, Brin d’herbe fait son propre mélange, aucun terreau n’est acheté (sauf quelques cas exceptionnels). Les mélanges faits maison ont plusieurs avantages : moindre coût, impact écologique bien inférieur aux terreaux du commerce, diminution de l’arrosage, moins de sensibilité à la mouche du terreau… En revanche, il est plus difficile de les ajuster car dépendent de beaucoup de facteurs sur la qualité de la terre utilisée. Pour les levées de dormance, la vernalisation naturelle (laisser les semis en extérieur dès l’automne) semble bénéfique pour certaines espèces : exemple du Muscari à toupet. Une couche chaude faite de crottin de cheval épandu est intéressante pour accélérer les semis de printemps, surtout pour une pépinière située légèrement en altitude. Plusieurs producteurs indiquent avoir des difficultés au repiquage : certaines espèces semblent ne pas être impactées par un repiquage individuel (plantule par plantule) et même au contraire favorisées (c’est le cas de la Centaurée jacée par exemple) alors que d’autres espèces semblent être plus « sociables » et préfèrent être repiquées en agrégats (ce serait le cas de l’arnica des montagnes). Le paillage semble également intéressant car il permet de diminuer l’arrosage. Brin d’herbe utilise des cosses de sarrasin, récupérées localement ; cela semble donner de bons résultats. Le paillage en résidus de graines de tournesol pose la problématique des semis spontanés de tournesol, tandis que le paillage en lin ou en chanvre semblerait s’envoler et/ou se décomposer trop rapidement. Une problématique pour les producteurs réalisant des porte-graines en pleine terre est commune sur le Massif central : les dégâts causés par le rat-taupier ! pour cela, assez peu de solutions si ce n’est de piéger et privilégier l’accueil des prédateurs et éviter les tas de feuillages et herbes hautes proche des plants, qui pourraient au contraire le favoriser…
En bilan : la recette miracle n’existe pas et chacun dispose de ses petits trucs et astuces ! Ces échanges ont permis de renforcer la nécessité de constituer un groupe de travail pour continuer à lever les freins techniques à la culture d’espèces sauvages et locales. Une des solutions abordée pour favoriser la transmission de savoirs est d’amender le site
www.florelocale.fr : en complément d’un travail de compilation qui sera réalisé par le CBN Massif central et le CBN Alpin, basé sur les données des tests de germination et de conservation des semences réalisés ces dernières années au sein des deux Conservatoires botaniques, les producteurs pourront partager leurs observations sur la mise en production d’espèces sauvages locales herbacées de manière à capitaliser les expériences et diminuer les risques d'échec. D’autres écueils ont été soulevés par les producteurs : dans le cas des producteurs qui souhaitent être labellisés Agriculture Biologique, il peut être difficile de prouver qu’une parcelle de récolte est compatible avec le cahier des charges bio : il faudrait harmoniser un cahier des charges commun entre le cahier des charges AB et celui de Végétal local pour ne pas freiner les producteurs à l’acquisition des deux labels. De même, un point a été soulevé par les producteurs, concernant les demandes en Végétal local venant d’appels d’offre : souvent les quantités demandées sont très importantes et les délais très courts. Les producteurs actuellement en place ne peuvent y répondre. S’organiser en coopérative pourrait permettre de répondre de manière concertée à ces demandes. Affaire à suivre !
Lors de la deuxième journée, un groupe de producteurs de semences herbacées labellisées ou en cours de labellisation, a rendu visite à l’association Alvéole, installée en Haute-Savoie, à Saint-Pierre-en-Faucigny. Cette association porte un atelier chantier d’insertion par l’activité économique et développe une activité de production de semences labellisées Végétal local – Alpes (parmi bien d’autres activités !). Les producteurs du Massif central sont venus s’inspirer de leurs expériences et savoir-faire développés au fil de projets, comme par exemple la mise en culture de plantes destinées à la production de semences, de la récolte jusqu'au tri !
L’association Alvéole a bénéficié du programme « Fleurs locales », un projet franco-suisse qui œuvre à l’émergence et la diversification d’une filière de production de semences d’origine locale. De plus, dans le cadre de partenariat avec Autoroutes et Tunnel du Mont Blanc (ATMB) et du Syndicat Mixte Aménagement Arve et Affluents (SM3A), Alvéole s’est engagée à produire des semences d’espèces marquées Végétal local et à les accompagner dans leurs projets de végétalisations. Environ 60 espèces sont en production ; des récoltes en mélanges directement sur le milieu naturel sont effectuées en complément (
en savoir plus). Voir compte-rendu de la journée, ci-après.
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L’association Alvéole est composée de 20 salariés permanents (dont 17 encadrants) et 64 salariés en insertion. Beaucoup d’activités sont réalisées au sein de l’association, avec différents ateliers : bois, couture… paysage et production de fleurs sauvages. Les surfaces pour la production de semences sont d’environ 15 000 m², cultivées en bandes. En enlevant les interstices, cela représente 6 000 m² de culture uniquement dédiée aux plantes sauvages. L’itinéraire technique suit les principes suivants : des bâches sont placées pour solarisation, pendant 1 an (deux hivers) avant d’implanter les mini-mottes pour la production de semences. Cela permet d’effectuer une « rotation » des cultures. Au bout d’un certain temps, les parcelles deviennent compliquées à désherber : elles se font envahir, d’où l’utilisation de la bâche pour freiner les vivaces adventives (liseron principalement). Le principal obstacle rencontré par la structure demeure le désherbage. La récolte se fait au taille-haie, les inflorescences sèches sont ensuite collectées dans des big-bags. Pour certaines espèces (espèces à akènes de type astéracées, dipsacacées…), la récolte est réalisée grâce à deux types d’aspirateur : un souffleur dont le moteur a été inversé pour aspirer, et un aspirateur plus conséquent, à moteur électrique, équipé des roues et pouvant être déplacé directement sur les champs (une personne le pousse et une autre manipule le tuyau d’où les graines sont aspirées). Le retour d’expérience sur ce dernier aspirateur n’est pas très positif : le moteur n’est pas assez puissant et l’ouverture du tuyau pas assez large. Les semenciers suisses utilisent des aspirateurs sur tracteur plus performants avec une grosse embouchure pour récolter. Concernant le souffleur, le résultat est satisfaisant sur de petits volumes.
Concernant les végétalisations pour les chantiers de restauration écologique, les ensemencements se font en semis direct « à la volée », les graines étant mélangées avec du sable (à 75%). Sur ce dernier point, cette méthode est à tester préalablement sur 1 m² pour obtenir le bon geste et la bonne densité.
Pour les bandes en plein, Alvéole réalise plusieurs faux-semis avant d’installer les plants ou le semis envisagés. La plupart des espèces passent par une multiplication par un prestataire, des mini-mottes sont réalisées pour les installer dans les bandes. Les bandes sont espacées de 15 à 20cm. Les interrangs sont parfois semés de fétuque rouge demi-traçante. Le repiquage en pleine terre des mini-mottes est réalisé en mai-juin ou à l’automne. Les agents disposent d’un « toutilo » machine roulante qui permet à deux salariés de planter en position allongée. Un système d’arrosage installé sur la machine permet également d’arroser en même temps grâce à une pompe reliée à un réservoir placé en bord de champs. Plusieurs techniques ont été utilisées : plantation des mini-mottes sur bâche, sans bâche. Les bâches ont été abandonnées pour éviter le plastique. En semis direct, les espèces sont semées directement. Pour cela, il faut accepter que la première année ne soit pas productive et il est conseillé de semer une annuelle en complément pour faciliter l’installation de l’espèce vivace la première année et limiter le désherbage.
Le séchage s’effectue sur 7 à 10 jours, les graines étant brassées tous les jours. Le séchoir d'environ 10m² est composé de bacs en bois avec une grille au fond facilitant la circulation de l’air propulsé par un système de ventilation. Concernant le tri, plusieurs machines de laboratoire sont à disposition : une batteuse à botillon, un brosseuse, une colonne à air et un nettoyeur-séparateur de marque Westrup. Pour les petits lots, seuls les tamis et colonne à air sont utilisés.
Ces journées qui facilitent la transmission et le partage de techniques ont été particulièrement appréciées par les producteurs. Rendez-vous est pris pour poursuivre les discussions sur d'autres sujets et régions voisines !
Avec le soutien financier de la région Auvergne-Rhône-Alpes