Entre chimères et plantes exotiques, une séance de détermination singulière pour le Conservatoire botanique...

Le mois dernier, le Conservatoire Botanique National du Massif central a été sollicité par les services du département de la Haute-Loire et du Syndicat mixte du projet Chaise-Dieu, pour apporter une expertise, peu ordinaire au regard de ses missions régulières, sur quelques tapisseries de l'abbaye de La Chaise-Dieu...
Les tapisseries de La Chaise-Dieu ont été commandées par l'abbé Jacques de Saint-Nectaire à la fin du XVe siècle, pour l'abbaye et représentent des scènes de la Vie du Christ et de la Vierge. Ces quatorze œuvres exceptionnelles et très fragiles ont été restaurées entre 2014 et 2016 et seront présentées à nouveau à La Chaise-Dieu l'année prochaine, dans le cadre d'un nouveau parcours muséographique. D'une richesse iconographique extraordinaire, elles présentent de nombreux décors de millefleurs. Encore peu connues du monde scientifique et universitaire, ces tapisseries ont été, jusqu'alors, relativement peu étudiées.
À la demande du Département et du Syndicat mixte du projet Chaise-Dieu, le Conservatoire botanique a donc procédé à la reconnaissance et la détermination d'éléments floraux présents sur deux tapisseries parmi les 14 proposées afin de vérifier si l'expérience peut être menée sur les autres tableaux. Bien que présentant de nombreuses plantes chimériques, les deux tapisseries analysées figurent des plantes particulièrement reconnaissables, communes et chargées de symbolisme religieux : Pâquerette, Muguet, Primevère officinale, Violette, Petite Pervenche, Digitale pourpre, Oeillet des fleuristes, Rose, Ancolie commune, Grenadier, Fraisier, Myosotis, Pissenlit, Chardon marie, Vigne, Pommier... Plus étonnant, on y reconnait aussi un Sabot de Vénus et de nombreuses plantes connues mais aux couleurs inhabituelles.
Ce premier travail qui demande à être généralisé aux douze autres tapisseries restaurées, permettra aux historiens et spécialistes d'art religieux d'analyser plus finement la charge symbolique des motifs floraux ornant chaque tapisserie (la flore comme le bestiaire possédaient une dimension symbolique très forte au Moyen-âge). Ce travail impulse aussi une ouverture du champ de compétences du Conservatoire botanique, souhaitée dans le cadre de son nouvel agrément, qui trouve aujourd'hui écho à travers les besoins d'expertises d'établissements culturels du Massif-Central (Cité internationale de la Tapisseries d'Aubusson, Musée Dom Robert de Sorèze, Atelier-Musée Jean Lurçat, Musée de Lodève, Château de la Trémolière, etc.). Cette première collaboration fut notamment l'occasion d'imaginer la réalisation d'un catalogue commun aux établissements du Massif central portant sur le thème du végétal, un "'herbier tissé" en quelque-sorte...